Elle n'en a pas à proprement parler, mais être une chauve-souris lui offre certains avantages. Un ; les chauves-souris ça vole je ne vous apprends rien. Alors la demoiselle aussi. Ses grandes ailes dentelées, qu'elle ne parvient pas à faire totalement disparaître, sont bien utiles quand elle cherche à fuir. Par contre, ne vous attendez à de la grande voltige et à des figures aériennes, elle arrive à peine à voler droit. Comme ses ailes n'ont pas beaucoup de puissance, elle est forcée de se jeter dans le vide pour espérer décoller. Sauter et se mettre à battre des ailes ne marchera pas. Si elle y travaillait sérieusement, elle serait sûrement aussi capable de se transformer complètement quand elle le désire, mais ce n'est pas encore le cas. Elle peut prendre l'apparence d'une véritable chauve-souris, mais seulement sous le coup d'une forte émotion, comme la peur. Essayez de lui sauter dessus en criant bouh, vous verrez de quoi il en retourne.

Sinon vous connaissez les légendes qui disent que les chauves-souris sont des vampires ? Hé bien vous pouvez oublier, ce n'est pas elle qui viendra piquer votre sang, ça la dégoûte même plus qu'autre chose. En revanche, elle apprécie les insectes, alors ne vous étonnez pas si vous la voyez soudainement gober un papillon.

Avec ces oreilles géantes, on serait en droit d'espérer qu'elle ait une audition plus développée que la moyenne, et c'est le cas. C'est simple, aucun bruit ne lui échappe; ça marche aussi pour les ultrasons, et ce dans un grand rayon. Inconvénient, ça la rend beaucoup plus sensible aux gros bruits, mais c'est un autre problème. Bien qu'elle ne soit pas trop à l'aise à la forte lumière, elle n'a pas une meilleure vue dans le noir, et se mangera le premier arbre qui se trouve sur son chemin, comme vous et moi.

Et, le meilleur pour la fin ; Aria a la capacité de pouvoir jouer au cochon pendu indéfiniment, le sang ne lui montera jamais à la tête. Pour l'utilité on repassera.

Aria, elle s'en fiche des autres. Approchez-vous d'elle, et elle vous toisera en un regard hautain, comme si votre tête ne lui revenait pas. Que vous soyez gentils, que vous soyez méchants, le résultat sera toujours le même. Pour rester polie, elle n'en a strictement rien à faire de votre tête, et ne se gênera pas pour vous le faire comprendre. Et voilà, c'est tout. Sa profondeur de caractère s'arrête là, elle se fiche de ce que les autres pensent d'elle.

Elle s'en fiche tellement qu'elle passe son temps à se demander si on n'est pas en train de se moquer d'elle. La demoiselle est un cas compliqué, et bien paradoxal. N'ayant pas toujours été en charmante compagnie, elle se méfie de tout le monde. Elle aura peur de vous, comme elle a peur de tous les autres, mais elle fera tout son possible pour tenter de montrer l'inverse, elle a bien compris que la peur attire les mauvaises personnes.

Pourquoi cette peur ? Regardez ses oreilles et vous comprendrez. Les enfants ne sont pas toujours des anges, surtout entre eux, et Aria en a fait les frais. Les moqueries sur ses grandes oreilles qu'elle n'a jamais réussi à faire disparaître et ses ailes affreuses, et puis le rejet voire le harcèlement de sales gamins, elle a connu. Pour s'en protéger, elle a donc décidé de paraître indifférente aux yeux de tout le monde, comme ça, elle évite d'être blessée. Vous comprendrez donc aisément qu'elle cultive un certain complexe sur ces longues oreilles, qu'elle cache de son mieux sous ses trois tonnes de cheveux ou sous des bonnets, quand ce n'est pas les deux en même temps. Certains vont penser que c'est stupide, mais elle n'a toujours pas compris que ça ne sert à rien de se méfier de tout le monde, et que l'humanité n'est pas uniquement composée de sales gosses moqueurs. Elle est donc toujours sur la défensive, et n'accorde pas sa confiance, à moins d'un miracle.

Ce qu'elle montre à autrui n'est qu'une malheureuse façade qu'elle craint de perdre à tout moment. Pourtant, mademoiselle cache une jolie personnalité, c'est bien dommage que personne ne l'ait encore vue. Elle est douce, agréable, empathique, tout ce que ses parents espéraient en ayant une fille. Mais elle est aussi impulsive, et a le sang chaud. Contre toute attente, elle semble atteinte du complexe du superhéro, comprenez qu'elle est dégoûtée par les injustices. Elle et son un mètre cinquante seront prêts à intervenir dans toutes les situations, parce qu'elle se fiche pas mal du danger, sous ses airs de petite fille apeurée.

Très franche, trop franche, elle dit rien que la vérité, toute la vérité. Si elle ne vous aime pas, elle vous le dira, si elle vous aime aussi, mais comme elle n'aime pas grand monde, c'est vite réglé. Si jamais, par je ne sais quel miracle, quelqu'un parvient à être son ami, elle prendra son rôle très au sérieux et tentera d'être la meilleure amie du monde. Douce et généreuse et loyale comme vous ne pouvez pas l'imaginer, vous ne serez jamais déçus par elle, mais on n'est pas encore à là.

Aria se comporte encore comme une enfant, parce que c'en est toujours une, dans le fond. Comme pour pallier son manque d'ami, elle vit dans un monde de peluches, de contes et de sucreries. Sa chambre, remplie à ras-bord de nounours, lapins et autres animaux en tous genre en est la preuve. Maman lui a appris très tôt la couture et le tricot, si bien qu'elle est devenue une experte dans le domaine. Elle fait elle-même ses vêtements, coud elle-même ses peluches, et dégaine les aiguilles dès qu'elle a une seconde de temps libre. Habile de ses mains, elle l'est beaucoup moins lorsqu'elle se tient debout. C'est une maladroite de première, capable de se prendre les pieds dans.... ses propres pieds. Ajoutez à ça qu'elle est une poissarde naturelle et vous obtenez le combo parfait, s'il y a une peau de banane elle sera pour elle, soyez-en sûrs.

On l'a élevée comme une princesse, et elle en est restée une. Elle aime les longues robes, les dentelles, les gros nœuds, les dentelles, les histoires de princesses, les fleurs, et encore les dentelles. Une princesse, elle pourrait l'être vraiment, si elle n'avait pas ces grandes oreilles et ces affreuses ailes dans le dos.

Vous l'aurez compris, Aria n'est pas en bon terme avec son hybridité. Persuadée qu'elle est une horreur sans nom, elle tente de faire pencher la balance en mettant des jolis vêtements. Des belles robes cousues avec soin, dans l'espoir de faire oublier le monstre qu'elle croit être. Ses manières de princesse, ou de sainte nitouche selon les points de vue, viennent peut-être de là, allez savoir. Elle déteste tout ce qui se rapporte à ce qu'elle est. Le fait que la lumière la fatigue très vite, et l'oblige à faire des siestes dans le noir au beau milieu de la journée comme un vieil ermite. Ses insomnies la nuit, dues au fait qu'elle est mille fois plus vive à ce moment-là. Tout, dans cette malédiction la dégoûte.
Oh, et sinon, elle a peur du sang. Ça le fait pas trop, pour une chauves-souris, mais elle est capable de tourner de l’œil à la vue d'une simple coupure de cuisine.

En bref, on peut dire qu'Aria est encore juste une gamine complexée qui rêverait de se faire accepter par les autres, même si elle ne fait pas grand-chose pour y parvenir.

Pour faire vite, Aria vit le jour un 21 mars, dans une famille relativement aisée. Pourrie gâtée dès ses premiers mois, elle n'a jamais connu le manque. Fille unique, elle eut tout ce dont pouvait rêver un enfant. Ses parents, ravis d'avoir une fille l'élevèrent comme une précieuse petite princesse. Les Marlowe étaient, et sont encore, un peu vieux jeu, alors ils élevèrent leur fille comme... comme une vraie fille vous auraient-ils dit. Imaginez donc une gamine qui ne portait que du rose, avec de très longs cheveux, et qui n'allait surtout pas jouer dehors parce que les filles, ça reste à l'intérieur pour aider maman. N'ayant pas de point de comparaison, elle trouvera rapidement cela tout à fait normal, et ne s'est encore jamais posé de questions, du moins pour le moment. Pour passer le temps, sa mère, excellente couturière, faisait de somptueuses robes pour elle, ou pour sa fille. Aria, à peine âgée de huit ans, suivit rapidement ses traces, et entreprit de se mettre à la couture pour pallier la solitude. Il faut dire qu'être fille unique, dans une grande maison, avec des parents relativement froids bien qu'aimants, ne garantissait pas un amusement de dingue.
Sa vie aurait pu ne se résumer qu'à cela, si elle avait eu de la chance. Celle d'une enfant un peu isolée, mais désireuse de se faire des amis. Elle est même sûre qu'elle en aurait eu plein, des amis, sans ses attributs d'hybrides.

Dès le début, les enfants eurent peur d'elle, et les plus méchants se mirent à dire qu'elle était un monstre. Un gros monstre bien laid, avec des grandes oreilles et des vieilles ailes moches. Même les autres petits, ceux qui étaient hybrides comme elles, n'étaient pas aussi laids. Panda roux, chaton, tous les autres avaient des animaux mignons, des oreilles toutes douces et une queue touffue. Elle était la seule à être une chauve-souris.
Au début, avant d'aller à l'école, ça ne lui avait pas posé de problèmes. Maman aussi était une chauve-souris, et c'était quand même la classe.

Mais ce n'était pas l'avis de ses camarades d'école.

Et ainsi commencèrent les moqueries. Aria, d'abord outrée par de telles paroles ne se laissa pas faire, mais ils gagnèrent à l'usure. La petite fut totalement isolée des autres. Il faut dire qu'elle faisait peur, avec ses grandes ailes. Et puis, dans les histoires qu'on leur racontait à l'école, étaient souvent des vampires, alors c'était sûrement son cas à elle aussi. Des années passèrent ainsi, et les moqueries ne cessèrent jamais. Une moquerie en entraîna une autre, et puis les enfants, par peur d'être exclus, rejoignirent pour la plupart le clan des bourreaux.
Sa famille aurait très bien pu intervenir, mais autant papa et maman la gâtaient au mieux qu'ils pouvaient, autant ses problèmes à l'école ne les atteignaient absolument pas. Plus d'une fois, Aria revint en pleurs à la maison, ce qui lui valu plusieurs remontrances. Pleurer la rendait laide, et ses parents ne voulaient pas d'une fillette laide. Et Maman lui répétait que les grandes dames ne pleurent pas, elles. Le résultat ne fut pas à la hauteur de ce qu'ils espéraient, et la petite, lasse des moqueries et du harcèlement, se renferma sur elle-même.

Aujourd'hui, rien n'a vraiment changé. Elle n'approche plus les autres et s'efforce de penser que c'est très bien ainsi. Âgée de quatorze ans, elle est encore à l'école, mais n'a qu'une hâte : terminer enfin ces vieux cours nuls et ne plus jamais revenir. Comprenez la, on essaye de lui apprendre à se transformer convenablement, mais qui voudrait être une chauve-souris ? Elle ne rêve que d'une chose, quitter très vite l'école pour créer des vêtements dans une jolie boutique, loin des moqueries.